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    Caché derrière un volet à demi rabattu sur une des nombreuses fenêtres du bâtiment, observant l’intérieur de la vaste pièce depuis la rue, Tamel allait d’étonnements en étonnement.

    Il n’avait jamais vu autant d’enfants assis immobiles, presque sans vie, devant des tables. Celle-ci étaient de très petites tailles, et sur chacune étaient posés des livres, comme en possédait Archos, quoique beaucoup plus colorés, des cahiers semblables à ceux d’Uddiivin, l’écrivain public, et quelques instruments d’écriture.

    Une seule personne était debout, devant une grande surface noire accrochée à un mur et sur laquelle elle écrivait de temps à autre avec un bâton de couleur blanche.

    Etrangement, parfois Tamel voyait cette personne comme une femme douce et mesurée dans toute son expression, et à d’autres instants comme un homme, un cocher fouettant son attelage pour une course particulièrement décisive.

    Parfois ce personnage, faisant face plus ostensiblement au groupe, paraissait en attendre une réponse. Alors, après quelques temps, des doigts se levaient et un enfant, d’un signe du maître du jeu, répondait.

    Le plus souvent, lui était retourné avec une moue réprobatrice une des deux phrases que Tamel avait fini par comprendre sur les lèvres de celle ou celui qui les jetait d’une voix à la fois sèche et d’une infinie précision.

    -         Mais cela n’a rien à voir !

    ou

    -         Mais tous cela n’est que trivialité sans intérêt !

    Ces mots, après que l’enfant derrière le volet les ait entendu un grand nombre de fois, finirent par tourner en rond dans sa tête, sans plus pouvoir en sortir, et, à chaque ronde supplémentaire, le volume de la voix y augmentait en même temps que celle-ci se faisait plus haute et plus criarde.

    Tamel finit par s’enfuir à toutes jambes. Il traversa la ville du plus vite qu’il le pouvait puis courra en direction des montagnes.

    Il ne s’arrêta que lorsqu’il put se plonger la tête dans la fontaine du village et calmer la chaleur ainsi que les battements assourdissant sur ses tempes.

     

    Plus tard, lorsqu’il eut retrouvé ce son intime, si familier qu’il en devient indiscernable, que l’on nomme silence, il raconta son aventure à Archos.

    L’ancien lui apprit alors que ce qu’il avait vu était une école – lieu où celui qui vient arrête momentanément de travailler sur lui-même pour écouter le résultat du travail d’un « maître du temps libre » - que la personne qui tenait la craie était ce « maître des loisirs » équivalent dans le petit monde de la cité de celui que tout le village des Hûles nommait Polhips : seul homme à savoir où se trouvaient les chemins au milieu des près et des champs, des étangs et des lacs, et jusqu’en le ciel lui-même. Du moins en était-il persuadé et aucun Hûle n’aurait été assez téméraire, sot ou méchant pour l’en dissuader.
     
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  • Commentaires

    1
    T.
    Dimanche 4 Mars 2012 à 10:17

    Heureux temps que ceux où l'on enseignait... la Vie aux enfants. Ou comment frôler d'un grand désir les beautés de ce monde.
    Il y a peu de vrais passeurs. Lorsqu'on les rencontre on se remplit de sève au moindre mot.
    Le reste du temps on est, comme vous le dites si joliment,
    confronté à des lectures testamentaires
    de celles qui dépossèdent à chaque fois.

    2
    Aunryz Profil de Aunryz
    Dimanche 4 Mars 2012 à 22:40

    La rentabilité décroissante des systèmes d'enseignement devrait mettre la puce à l'oreille à ceux qui pensent connaître "les chemins" et déternir les clés
    du sujet et du hors sujet.

    Ceci dit, je suis certain qu'il est encore des lieux où l'on enseigne sans ces retours terribles que sont les deux phrases mentionnées.

    Il parait que l'étudiant français a la frousse (bien inculquée) du hors-sujet
    il suffit de regarder leurs enseignants (qui souvent par ailleurs se déclarent ouvert et libre) pour comprendre d'où vient cette peur.

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