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    Sans  raison pour cela, personne n'ayant dit ou crié son nom, aucun de ses génies ne l'ayant inquiété ou piqué en ses chairs intimes, sans raison Tamel se retourna.

    Son corps fit volte face, son esprit cacha ce qu'il montrait et mit en pleine lumière ce qu'il occultait, son cœur pressa son jus qui couvrit sa peau.

    Tout entier Tamel se retourna.

     

    Il vit alors au loin, en bordure de la grande étendue dont il était propriétaire et sur laquelle il avait bâti sa maison, un roncier, bordé d'une maigre pelouse parsemée de boutons d'or sur laquelle se tenait un enfant.

    D'abord immobile, semblant participer à distance au vol miraculeux d'une centaine d'étourneaux, il se dirigea – lui ou une partie de sa petite personne – vers une trouée du roncier, y disparut pour surgir peu après au dessus des épines, dans les premières branches d'un chêne.

    L'enfant poursuivit son ascension jusqu'à un étage de feuillages clairsemés où avait été assemblées de quoi constituer une petite plate-forme. 
    Il s'y hissa, s'y étendit, ferma les yeux et s'endormit,

      

    A nouveau seul, Tamel regardait cet espace qui le séparait de l'enfant et n'y voyait plus qu'un grand trou creusé dans la montagne, que d'énormes blocs de pierre enchâssées pour limiter la plaie et retenir la terre morte rapportée afin de combler et stabiliser la blessure.

    Sa maison, orgueilleuse bâtisse qui défiait de sa verticalité pure les monts environnants, il ne lui voyait pas d'amis dans ce paysage.

     

    Terre de remblai, c'est ce goût qu'il avait dans la bouche.

     

    Tamel entendit au loin l'appel de sa mère.

    Le soleil se couchait, une légère brise apportait un peu de fraîcheur en son arbre.

    L'enfant prit le chemin du retour avec, à la sortie du buisson d'épines, une étrange impression lorsqu'il regarda en direction des Jonchiers.

    Pendant quelques secondes, deux paysages semblèrent s'y mêler puis, peu à peu l'un des deux devint plus net : coulées de marnes, landes parsemées de buis, thym, chênes verts, pousses de lavandes, tandis que disparaissait une forme épaisse aux lignes sans aspérités et l'ombre qui se tenait devant elle.

    Version du 30 septembre 2014 sur les remblais  
     

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