• En fuite à la lisière du possible _24_

     
     

    24 - Nàci

     

    Laeb, Damouce et Tamel dormaient paisiblement.

     

    Tous trois s’étaient confiés à un moment de rêverie propre à prolonger l’agréable sensation d’un ventre plein.

     

    Soudain ils entendirent une voix aiguë lancer à leur adresse :

     

    -         Qui voudra de la délicieuse soupe à la courge de Nàci ?! Nàci, roi du potager ! Nàci qui, du lever du soleil à son engloutissement derrière la ligne de l’horizon, humecte la terre, chasse les insectes et les rongeurs : menace pour le légume et le luisant brasseur de terre à la bouche miraculeuse. Nàci qui recueille la rosée du matin et la partage équitablement entre les jeunes pousses encore fragiles. Tendez vos écuelles ! Nàci va vous les remplir d’un liquide nourrissant, onctueux, au goût propre à ravir vos palais, langue et gorge autant que les parois de votre estomac.

     

    Tamel et Damouce, encore tout ensommeillés répondirent en ayant peine à articuler leurs mots :

     

    -         Ton potage ne peut-il attendre un peu ?

    -         Nous sommes encore pleinement rassasiés du délicieux agneau de notre fils Laeb.

    -         Moi aussi je veux être votre enfant ! Moi aussi je veux que vous goûtiez au fruit de mon labeur !

    -            Laisse-nous quelques instants de repos.

    -         Nous t’acceptons volontiers comme notre enfant mais pour le reste accorde nous un peu de temps pour …

     

    Tamel n’acheva pas sa phrase, happé à nouveau par le sommeil. Damouce Dormait déjà profondément

     

    -         C’est donc comme cela qu’on me traite !
    A Nàci, le travailleur insatiable, on préfère un fainéant qui passe ses journées à demi-inconscient à suivre en vagabond un troupeau qui se nourrit sans avoir besoin de lui, alors que …

    -         Ce n’est pas juste ce que tu dis là, tenta Laeb

    -         Toi ! Je refuse ta parole et ta vue.
    Je planterai des piquets tout autour des terres fertiles. Tu devras aller ailleurs avec tes mangeurs d’herbe. Et, tandis que ton errance stérile te mènera d’un endroit sans mémoire à un autre, je ferai de ce monde un jardin à la mesure de la grandeur de l’homme, un jardin merveilleux dont l’entrée te sera à jamais interdite
    A moins que tu ne te convertisses et, renonçant à cette contemplation paresseuse de cette nature confuse et sauvage, tu joignes tes forces aux miennes pour ordonner les pulsions de vie qui partent en tout sens et réclament, sans le savoir, un conseil, un guide, un maître.

     

    Sous le déluge de paroles jetées vers lui avec rage et conviction Laeb resta quelques instant interdit.

    Il ouvrit la bouche pour répondre puis se ravisa et, se détournant de celui qui le haranguait ainsi, s’en alla dans la direction du soleil, suivi du chaos vivant de son troupeau.    


     

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