• Entre les eaux

     

      

    Il restait une partie du voyage, impossible à mesurer celle là.

    Un jour l’enfant qui marchait déjà depuis près d’une année fut face à une étendue d’eau qui absorbait l’horizon.

    La traversée de l’Océan fut pour Tamel l’occasion d’un grand silence.

    Non d’une absence de son autour de lui – les vagues et le vent mêlaient parfois leurs corps et leurs rugissements au point d’effacer jusqu’au ciel lui-même – mais d’un silence de signes. Silence propre à cicatriser les blessures de la raison.

    Tamel n’était rien pour les géants qui peuplaient ces espaces aussi se retrouvait-il libre de toute intention. Nul ne lui parlait, rien ne sollicitait sa réponse, l’âme de l’enfant pouvait retrouver l’état de lac – eau sans mobile et sans ride – qui était la sienne avant qu’en cette vie le premier désir ne l’approche.

    La notion même de temps disparut et Tamel aurait été bien en peine – même si son esprit n’avait pas été rebelle à toute idée de nombre au-delà du 2 – bien en peine d’évaluer la durée, en jours, en semaines ou même en mois, de sa traversée.

    Nourri d’un peu de pluie et de ses animaux microscopiques capables de s’offrir à lui en traversant sa peau, l’enfant ne souffrit pas trop de la faim. Juste assez pour que ses pensées s’accordent à celles des lieux qu’il traversait.

    Un jour, face au marcheur la ligne de l’horizon se reforma. Alors, là où le ciel buvait la mer, là où l’eau caressait l’immense nuage – blanc, noir, pourpre, mauve ou marron, parfois même invisible – qui attise éternellement sa soif, peu à peu de nouvelles couleurs apparurent.

    Bientôt l’enfant posait à nouveau son pied sur une matière qui pouvait lui opposer sa forme et même le blesser.

    C’est ainsi qu’un débris de verre lui entailla profondément le talon droit jusqu’à le faire saigner abondamment.

    Tamel ne s’effraya nullement, il fit encore quelques pas, puis, parvenu à nouveau sur un sable fin, doré comme le souvenir du plein midi, il s’y enfonça jusqu’au mollet et s’immobilisa.

    Quelques jours plus tard, un peu affamé mais guéri et reposé, il repartit.

    Une ville n’était plus très loin. Il le savait.

     

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