• esprit nomade -0-

     

    L'autre

     

    Depuis qu’il était sorti de la maison de sa mère, le petit Tamel percevait comme un doublement de son pas.

    Quelqu’un avait accompagné sa promenade.
    D’abord au milieu des rues du village, puis - après la porte d'Est en direction de Chamouse - à travers les vergers d’amandiers et de noyers, les taillis de buis et de genévriers.
    Et ce quelqu’un n’était pas un simple suiveur de traces.

    Tamel ressentait comme un léger vent, une aspiration, en même temps qu’un trouble de plus en plus intense le gagnait, un vertige comparable à celui qui prend l’esprit lorsque les poumons ont trop vivement aspiré l’air des montagnes.

    Il décida de redescendre vers les prairies basses et d’aller voir Drill, la vieille ponette qui ne bougeait plus guère de son immense parc jouxtant le village.

    Comme toujours, elle était appliquée à se rendre malade, à manger ces herbes trop riches qui lui gâtaient la santé, depuis que le hasard l'avait menée en cette contrée et auxquelles elle était incapable de résister.

    Dès que Drill sentit la présence de Tamel, elle poussa un joyeux hennissement hochant vigoureusement la tête en tous sens.

    Le bambin sut alors que celui qu'il précédait n’était pas tout à fait de ce monde, car jamais l’orgueilleuse Drill ne le saluait lorsqu’il était en compagnie.

    Il s’assit alors sur une pierre du chemin et attendit, regardant distraitement la ponette s'empiffrer, fondue dans un brouillard qui contenait, la pâture, un bout de ciel, la montagne du Barré et tout ce que ces lieux contenaient d'êtres mouvants.

    ...

    Ce fut la première fois que Tamel rencontra son frère.

    Ce jour là, il sut que Le Mat aussi avait des droits sur ce corps.

    Ce jour là, son jumeau bancal connut enfin durant quelques heures, le bonheur du vent sur le visage, du chemin sous les pas, de la course qui finit en chute dans les orties, de l'odeur du thym qu'on égraine du bout des doigts, des feuilles pourrissantes et de toutes ces senteurs qui se mêlent à la lumière pour traverser les chairs.

    De retour au village des Hûles, Tamel fit de savant détours pour garder le plus longtemps possible un peu de ce qu'il restait de la présence de l'Autre en lui.

     Version grisée puis dégrisée du 12 septembre 2014

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 9 Décembre 2011 à 13:23

    Pur sûr, cette ponette, elle existe!
    ...
    Au-delà, ce double. Un peu de chacun de nous.

    2
    Aunryz Profil de Aunryz
    Samedi 10 Décembre 2011 à 01:33

    En fait
    oui

    Cette nuit je revenais d'une promenade sous la pleine lune
    j'étais accompagné
    elle m'a ignoré
    continuant à mastiquer et à faire tinter sa clochette.

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