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    Une fois de plus les "Soliteignes" –  comme on nommait aussi à présent ceux du groupe d’Uddiivin –  étaient réunis dans la maison de l’écrivain public. Une fois de plus la discussion animée voyait l’un après l’autre surenchérir à propos du dernier événement vécu comme un scandale inadmissible qui avait marqué l’actualité du village.

    -          Depuis le temps qu’on leur dit que cette fontaine est dangereuse. Ses bassins sont bien trop profond.

    -          Quelles idées ont les jeunes de cette époque ! Y faire un concours d’apnée !

    -          Un jour un gamin s’y noiera, et ce ne sera pas faute de les avoir prévenus !

    -          On devrait même restreindre l’accès de toutes les fontaines aux enfants !

    -          Pas seulement ! A force de laisser n’importe qui puiser de l’eau !

    -          Vous avez demandé à boire ? Souffla une voix enfantine.

    Depuis qu’Uddiivin avait découvert que seuls les tous jeunes enfants parvenaient,  à retenir l’eau dans un récipient, à la dissuader, on ne sait comment, de s’éparpiller dans l’air dès qu’elle entrait dans l’habitation d’un des membres de la petite secte, un des enfants du village, moyennant une petite rétribution, était toujours présent aux réunions, assurant le service des boissons.

    -          Euh ! Pas vraiment, jeune Pachlot, mais puisque tu es là, remplis donc nos verres.

    L’enfant s’exécuta avec une attention extrême. La récompense, le plus souvent en friandise, était alléchante mais ceux-là se fâchaient pour un rien et il fallait prendre bien garde à ne rien renverser ou heurter, à ne pas prononcer de parole déplacée en ce lieu et la liste en était longue.

    Après avoir rempli deux gobelets, le pichet se trouva vide. Pachlot hésitait, il avait entendu la conversation.

    -          Qu’attends-tu l’engourdi ? Va vite remplir ton seau à la fontaine. Tu crois que l’eau va venir toute seule couler dans ton pichet ?

    Quelques heures plus tard, les sucreries promises dans les poches, Pachlot s’en retournait chez lui en courant, comme si un mauvais génie le poursuivait. Ses épaules étaient encore crispées. Il songeait au bain chaud qu’il allait prendre chez lui, bain indispensable pour éliminer l’horrible odeur. Ces gens ne se lavaient presque jamais et méritaient bien cet autre surnom de « Nauséeux ».L’enfant avait eu grand peine à supporter si longtemps les haleines infectes et la transpiration rancie.

     

    Enfin, sa maison !

    Une mauvaise surprise attendait cependant le gamin de l’autre côté de la porte.

    -          Plus d’eau ! Sa mère paraissait bouleversée.

    -          Comment ?

    -          Il n’y a plus d’eau. Elle ne veut plus entrer dans la maison. Enfin, plus dans un baquet, un broc, une louche, pas même en une goutte. Je remplis un seau à la fontaine et aussitôt passé le seuil, il est vide, plus rien, pas même une trace d’humidité, toute l’eau a fuit.

    -          Comme chez les …

    -          Tout comme ! Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ?

    -          Ne t’inquiète pas m’man, je vais t’en rapporter, moi, de l’eau !

    Il prit deux petits baquets en bois, mis un bât sur ses épaules, y accrocha les récipients et ressortit.

    Pachlot flottait dans son eau tiède à souhait et chantonnait entre deux plongeons de la tête

    Elle est l’eau, oh là olé

    L’eau c’est elle, elle est l’eau

    Mille en gouttes, elle écoute

    Comment coule ton eau

    Tu y crois elle y croit

    Tu en doutes il t’en coûte.

     

    Sa mère lui frottait énergiquement le dos avec une brosse enduite de savon tout en suivant le fil de ses soucis.

    A présent, chez eux aussi. Seul l’enfant …

     

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