• La porte de lumière

     

    Il avait cru que ce serait bien plus difficile. Non pas tant du point de vue pratique ; l’enfant qui n'avait alors que trois ans savait déjà d’Anthelme les sèves avides d’oxygène et gorgées de chaleurs ferventes. Le guérisseur du village, dans leurs longues promenades par  la contrée et les terres qu’elle traversait au fil des ans, lui avait également montré comment, des points d’incandescence, pouvaient naître au moment choisi, en mêlant à la résine d’olivier le contenu des poches à venin de ces araignées, jaunes comme la colère des fous, qui affectionnent particulièrement le tronc de cet arbre.

    Non, ce que Tamel redoutait le plus était son propre attachement aux héritages du passé. Car une grande partie de ce qui avait jusqu’à ce jour protégé et éclairé son existence allait disparaître.

    Le feu se déclara simultanément en divers endroits du village. Les Hûles furent avertis par les cloches des quatre portes - personne ne comprit jamais comment elles s’étaient mises à sonner - qui battirent à toute volée jusqu’à ce que le feu ait dévoré le bois qui les soutenait.

    Des vieillards jusqu’aux enfants capables de tenir un seau, tous ceux qui furent jetés en bas du lit par l’alarme se ruèrent aux fontaines puis au plus près des flammes. Mais le feu semblait se nourrir de l’eau jetée sur son corps insaisissable.

    Tout s’embrasait peu à peu sans que rien ne puisse contenir les flammes qui coulaient lentement mais inexorablement de maison en grange, de grange en étable, d’étable en jardin. Car de l’herbe jusqu’aux pierres, tout s’embrasait.

    Il fallut libérer les bêtes, leur laisser chercher le salut seules – toutes se retrouvèrent dans la clairière des cercles – et se contenter de protéger les lieux dont les flammes ne voulaient pas.

    Au premier rayon du soleil, le feu s’en fut aussi soudainement qu’un nuage de grêle.

    Il laissait derrière lui un espace dévasté où toute couleur avait disparu.

    Les pleurs et lamentations ne vinrent pas immédiatement –  l’immense brasier avait dépossédé les Hûles jusque de leur pensées – mais lorsqu’ils éclatèrent, ce fut en une substance sonore presque matérielle qui recouvrit l’ensemble du village ; neige par dessus suie. Ce désastre fit tomber en même temps que la plupart des murs visibles, ceux, transparents mais tout aussi réels, qui séparaient quelques heures auparavant, le fier maréchal-ferrant du cordonnier et de la même manière l’enfant unique de l’un et la marmaille abondante du second et tant d’autres. Partout chacun se retrouvait, nu, vulnérable, mais au milieu de ses semblables tout aussi démunis que lui.

    Bien sûr, la grave querelle, cause assurée d’une guerre imminente avec les habitants de la contrée voisine, fut tout à fait oubliée, d’autant que ceux-ci participèrent activement, dès le lendemain du désastre, autant au déblaiement des lieux, qu'au réconfort des victimes et à la reconstruction du village des Hûles.

    Tamel qu’on eut grand peine à sortir de sa chambre au plus fort de l’incendie – la porte d’accès refusant de s’ouvrir, il fallut la détruire à la hache – le petit Tamel plongé dans un sommeil de bourgeon en hiver, ne se réveilla que deux jours après les évènements.

    Alors Archos vint le voir sur le lit où il achevait de reprendre ses esprits. Ce qu’ils se dirent, nul ne le sait.
    Mais lorsque, après plusieurs heures de présence à ses côtés, le vieillard le laissa se reposer, il souriait.

     
     
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  • Commentaires

    1
    Lundi 13 Février 2012 à 17:46

    Je ne trouve pas la table des maths hier pour m'y asseoir.

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    2
    Lundi 13 Février 2012 à 17:59

    Ah, si ça y est ! Ce sont les archives. Moi qui suis si souvent aux archives départementales, je vais naviguer dans les archives bateleuriennes avec un soleil de plomb quei éclaire les jumeaux...

    3
    Aunryz Profil de Aunryz
    Lundi 13 Février 2012 à 22:44

    Il y a un petit nombre de ce textes que tu connais. Parfois réécrits un peu.

    Avec les années Le Bateleur n'est plus trop joueur
    et Tamel a moins peur de lui
    aussi lui parle-t-il plus souvent à l'oreille.

    Ceci dit, il y a un nombre incalculable de textes que j'ai perdus
    (je crois au sacrifice qui nous libère et nous rend au centuple ... ce qui était à nous)
    tu sais que je n'archivais beaucoup d'écrits que sur la toile
    et quand j'ai dissous "Garde-a-vue" ...

    Content de voir l'enchanteur passer par là.

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