• "Raisonnance"

     

     

    L’ambassadeur du village voisin, un esprit d'une grande culture qui savait le contour précis de toute chose, s’était rendu insupportable depuis la minute même de son arrivée dans le village des Hules. Plus personne, homme, femme ou même vieillard n’était en mesure de le supporter ne fut-ce qu’un seul instant.

    Sur les conseils de Archos, approuvés par Anthelme lui-même, on imagina de le confier aux soins de Tamel, présentant celui-ci comme une sorte d’emblème du village.

    L’enfant le conduisit à travers les rues, d’une perspective à l’autre, lui montrant les directions vers lesquelles, à partir d’une place, d’une porte, d’un banc ou même d’une impasse étroite et obscure on pouvait apercevoir un carré de ciel particulièrement lumineux.

    Il attira également son attention sur la manière dont certaines formes mobiles dans le ciel répondaient aux dessins figés dans la pierre, le bois et l'herbe des près.

    A la fontaine, il l'invita à goûter l'eau des trois bacs et à commenter les nuances qu'il trouvait dans la saveur des trois liquides. L'ambassadeur fit comprendre à l'enfant l'absurdité de sa demande et le caractère déplacé de cette invitation.

    Après un parcours de plusieurs heures, Tamel proposa à l’émissaire de boire un peu de thé et l’emmena au premier étage de la maison de sa mère, dans un petit salon à la table et aux chaises en bois tressé.

    L’ambassadeur, satisfait de se reposer après une marche qui lui était tout à fait inhabituelle, complimenta l’enfant à propos de l’arôme délicat du breuvage. Puis il loua son goût large et profond qu'il compara à diverses structures subtiles de la pensée, évoquées à travers des citations, elle-mêmes attribuées à des auteurs qu'il convenait de ne pas ignorer.

    Ainsi détendu, il se mit à examiner plus attentivement le lieu où tous deux se trouvaient. Après avoir scruté la pièce minutieusement, il interrogea Tamel ainsi :

    « Ce plancher sur lequel nous nous tenons depuis plus d’une demi-heure est tout à fait étrange, je dirais même impossible !

    Fait d’un seul tenant et donc d’une seule pièce de bois, il supposerait un arbre d’une taille tout à fait inimaginable. »

    « Tu as raison dit Tamel à son hôte »

    Et à cet instant précisément, la moitié du plancher où se tenait l’étranger disparut.


     

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  • Commentaires

    1
    annaj
    Dimanche 22 Janvier 2012 à 11:47

    je te pense je te crée je te dé-pense je t'efface..on dit que les morts disparaissent le jour où plus personne ne pense à eux.

    dans le même souci de se créer un monde riche et intense, celuid'avoir des mots pour enrichir ses idées. la pauvreté du vocaulaire est une précarité grave. cela me révolte de voir comme on rase le savoir et la possession de sa langue dans notre système d'éducation.

    2
    Aunryz Profil de Aunryz
    Dimanche 22 Janvier 2012 à 14:26

    J'y participe (par défaut ... puisque je suis dans l'institution) et j'ai honte !

    Au risque de me répéter
    ...
    un peu comme on écope dans un canot de sauvetage qui fuit
    nous devons sans cesse tenter de recharger les mots
    (vides ils créent des trous dans la tête des petits d'homme)

    3
    annaj
    Dimanche 22 Janvier 2012 à 14:29

    pauvres petits humains fusillés au barillet vide..  (moi aussi...)

    4
    T.
    Mardi 24 Janvier 2012 à 10:09

    On ne peut rester de glace en regardant ( comme s'il était là sous nos yeux) ce pan de réel fondre pour raison de certitudes sur son existence.
    Ceux qui croient maîtriser le dessous des choses, celui ci les avale et leur enseigne: l'ombre porte.

    5
    Aunryz Profil de Aunryz
    Mardi 24 Janvier 2012 à 19:48

    (annaj) mais non !
    Gardons confiance en la nature
    parce que le contraire serait de l'orgueil
    l'homme ne peut pas ruiner tant que ça
    autre chose que l'homme.

    (T.) Oui, certains peuvent faire disparaitre le meilleur de ce monde en refusant d'y croire
    nous sommes les créateurs (tous les vivants)
    croire c'est faire exister.

    Ceci dit...c'est un conte naïf (sourire)

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