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     A sept ans, le jeu préféré de Tamel était celui qu’il avait nommé «distance»

    Il projetait en pensée, à la fenêtre de sa chambre, une image fidèle de lui-même, puis discrètement, glissait sa présence dans la cour de la maison.

    Ainsi, il pouvait entendre sa famille, les domestiques, ou même des hôtes de passage, engagés dans des conversations qui n’auraient jamais eu lieu en sa présence.

     

    - Vois comme il est calme, tout entier à son occupation

    - Quel est son livre aujourd’hui ?

    - Une anthologie en trois tomes du mouvement littéraire des cinq serfs

    - Et hier ?

    - L’encyclopédie générale des nuages, de leurs comportements et affinité sur terre ainsi que dans le reste de l’univers

    - Ne t’effraie-t-il pas un peu?

    - Parle moins fort. Tu sais comme son oreille est fine. Il pourrait entendre

     

    Plus loin, juste sous ses carreaux

    - Je t’assure Paule qu’il ne touchait pas le sol, la feuille échappée de mes mains est passée sous ses pieds alors même qu’il se tenait debout devant moi.

    - Incroyable! Je comprends maintenant pourquoi rien ne s'est produit lorsqu'il a marché sur cette plaque en fer où j’avais appliqué une tension de plus de 1000 volts.

    - Es-tu certain qu’il ne s’est aperçu de rien ?
    Sinon je ne donne pas cher de ta peau.

    - Tu te trompes. Il est terriblement dangereux, mais il n’y a en lui aucune méchanceté. Il ignore même le sens de ce mot.


    Encore un peu plus loin, Claire la jeune gamine de la cuisinière, parlait aux parents de Tamel :

    - Pourquoi ne lui rendez-vous pas ses yeux ?
    Si vous lui expliquez comment ne pas tout enflammer autour de lui, je suis certaine que plus rien ne se produira.

     

    Oui, Tamel aimait jouer à «distance». Aujourd’hui, grâce à cet amusement innocent, il se connaissait à présent une véritable alliée.

     

     


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