• Certains dits anciens parlent d'un peuple vert qu'il ne faut pas regarder de trop près.

     

    Depuis quelques jours, le village était arrivé à proximité d’une forêt.
    Petite, mais dont certains arbres étaient d’une hauteur prodigieuse.

     

    Ils auraient pu être des chênes, sans les épines longues et acérées qui courraient sur les branches les plus fines, sans cette densité du feuillage qui donnait une ombre si proche de la nuit, sans une odeur tout à fait particulière qui s’apparentait à celle des cendres chaudes.

     

    Chacun avait eu le temps de voir venir ces géants – le village se déplaçait très lentement – mais depuis quelques jours la disproportion entre les maisons des Hules et ces arbres immenses avait quelque chose d’oppressant.

    Aussi les rues étaient-elles plus silencieuses que d’ordinaire, moins animées, alors même que l’on entrait dans la semaine des fêtes du «bas-soleil».

     

    -           Ils sont impressionnants, n’est-ce pas Asselpa?

    -           Oui Archos, et je les trouve même un peu terrifiants. Heureusement que nous ne nous en approcherons pas davantage. Ces jours-ci c’est à peine si nous avons perçu les transitions entre le jour et la nuit.

    Heureusement, c’est aujourd’hui que le village sera au plus près d’eux. Dès demain nous commencerons à nous en éloigner et je dois avouer que cela me rassure. De cette forêt émane comme un parfum de deuil, le relent d’une menace.

    Quelques heures plus tard, alors que la nuit venait à peine de recouvrir la contrée, un enfant se dirigeait vers la petite forêt.

     

    Parvenu à dix mètres du plus grand des arbres, il lui adressa ces paroles :

     -          Vous ne devriez pas !
    Il y a quelque chose que vous ignorez à propos de notre village.

     -          Et quoi donc petit homme ? Répondit une voix qui semblait venir du ciel même.

    -            Attaché à l’errance de notre village, dans cette petite clairière que tu peux apercevoir du côté de la porte Sud, vit un arbre qui partage un peu de votre sève lunaire.

    Depuis près de 6 ans, mon frère habite sa chair. Il m’a dit votre faim et le pouvoir de vos racines. Tous deux, nous vous comprenons, mais nous ne vous laisserons pas faire.

    -           Il est trop tard, vos amis hommes nous ont vus, ils doivent disparaître.

    -           Vous n’êtes pas obligé de les faire périr, contentez-vous de leurs souvenirs. Je vous promets que mon frère et moi même vous y aiderons.

    Le silence répondit à l’enfant.

     

    Le lendemain, la brume se leva très tôt sur un ciel uniformément bleu annonçant un froid intense.

    -           Elle est belle n’est-ce pas Tamel ?

    -           Oui Damouce c’est une magnifique clairière avec des fleurs tout à fait étonnantes pour la saison.

    -           Voilà plus de deux semaines qu’elle se rapproche de nous, j’avais commencé à m’habituer à sa présence lumineuse et amicale. Je la regrette déjà. Bientôt elle sera loin !

    Te souviens-tu de des jeux qu’elle a abrités ?

    -           Bien sur ! Et des banquets que le village y a donné au début de la semaine du «bas-soleil»

    A moi aussi sa présence manquera, ainsi qu’à beaucoup d’autres habitants du village qui regretteront le climat paisible qu’elle a répandu aux alentours. Mais il y a sur ce monde beaucoup d’autres lieux pour épancher la soif de nos regards.

    Donne-moi la main Damouce ! Allons manger une tranche de pain d’épice sur la place ... aujourd'hui c'est fête !

     


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