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    Une jeune femme courait dans la ruelle tenant dans une main le bord de son vêtement pour qu’il entrave le moins possible ses jambes et de l’autre une paire de sandales presque neuves.

    -         Tamel ! Tamel ! Le garnement est encore pieds nus !

    Elle finit par rattraper un enfant qui ne cherchait guère à s’échapper. Il caressait un chat. Ou plutôt il offrait à un minuscule chaton le plat de sa main et l’animal bondissait vers elle. Dans une belle courbe en U inversé il venait frotter son dos à la paume du gamin, volant ainsi une caresse bien plus qu’il ne la recevait.

    -         Tamel ! Tu es encore sorti sans rien aux pieds ! Un jour tu te blesseras. Ces chemins de montagne sont pleins de cailloux coupants comme des lames. Allez ! Enfile vite tes sandales !

    -         Mais maman, tu sais bien qu’elles ne tiennent pas à mes pieds. J’ai beau les attacher de mon mieux, trois pas à peine et elles sont tombées.

    -         C’est parce que tu t’y prends mal.

    -         Je t’assure …

    -         Viens sur mes genoux, je vais te les serrer moi !

    Une minute plus tard, Tamel était à nouveau sur debout, sur des pieds, entre le bleu et le rouge, étranglés de lanières de cuir.

    -         Voilà, tu peux y aller !

    -         Merci m’man !

    L’enfant parti en courant à la poursuite du chaton que l’échange de paroles, trop vives pour ses jeunes oreilles, avait effrayé.

    La jeune femme allait s’en retourner en sa demeure lorsqu’elle vit à deux pas d’elle les deux sandales encore nouées, posées sur le sol l’une à côté de l’autre, comme si quelqu’un les avait soigneusement rangées.

    Elle les regarda interdite quelques temps puis, repris son chemin, sans se préoccuper davantage de ces assemblages de cuir dont le pied de son enfant ne voulait pas.


    Des milliers de petits pas précis

    entre les quatre murs d’une pièce

    infinie, puisque ta trace n’imagine pas d’en sortir.

    Le sol est carrelé : blanc noir blanc noir

    des milliers de portes battantes

       qu’il suffirait de pousser pour que le ciel apparaisse

    des milliers de fenêtres

       que le regard saurait franchir

          s’il le voulait

          s’il décidait de ne pas nier leur transparence

    des milliers de destins mort-nés.

           Passant ! Ton pied est bien trop protégé.


     
     



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