• Stance

     

     

    De retour au village, Archos et celui que tous prirent pour Tamel, se dirigèrent de suite vers la demeure d’Uddivin.

    L’ancien bascula plusieurs fois le heurtoir et quelques instants plus tard, l’écrivain public leur ouvrit la porte.

    Il ne semblait pas très disposé à les faire entrer.

    -         Je te salue Uddiivin dit Archos. Pouvons nous parler un moment avec toi ?

    Uddiivin émis une grimace en tentant de leur sourire, puis fit signe de s’avancer.

    Il les conduisit jusqu’à un fauteuil placé au coin du feu et, avec un empressement qui ne lui était pas coutumier, vint placer à ses côtés deux des chaises de sa table de cuisine. Uddiivin s’affala alors dans le fauteuil, le vieillard et l’enfant s’assirent de part et d’autre de lui.

    C’est alors que leur hôte sembla s’apercevoir de la présence du Mat.

    -         Que fait donc Tamel avec toi ?

    -         Il est concerné par ce dont je vais t’entretenir.

    -         Parle, je t’écoute !

    -         Voilà  : Tu n’ignores pas que la plupart des inscriptions gravées sur chacune des maisons du village sont très anciennes et qu’un certain nombre d'entre elles sont même presque effacées. Je ne dirai pas illisibles, car dans le village ce mot n'a pas vraiment de sens puisque toi seul est capable d’en traduire la signification en parole.
    Nous pourrions attacher à cette disparition une importance relative, du fait qu’il ne s’agit pour la plupart des Hûles que de signes obscurs,  à l’esthétique agréable certes, mais qui pourraient avantageusement être remplacés par d’autres motifs plus agréables à l’œil et plus parlant à l’esprit.
    Ce serait une grave erreur. Car ce que beaucoup ignorent c’est que chaque phrase est attachée à la protection de la maison sur laquelle elle est gravée et que cette protection qui concerne notamment les périodes où le village voyage d’un lieu d’attache à un autre, n’est opérante que si elle reste lisible ne fusse que d'un seul d'entre nous. Nous devons donc absolument préserver ce patrimoine hérité du passé.

    Archos laissa passer un temps et observa l'étonnement du maitre des lieux, puis poursuivit

    -         Le conseil a donc décidé de te confier la restauration de ces inscriptions bénéfiques.
    -         Mais ! … J’ai beaucoup de travail … il y a … la correspondance avec les morts !
    -         Précisément ! Et c’est pour cette raison que Le M… euh pardon, que Tamel est ici avec moi.
    -          ???
    -         Tu connais la curiosité de cet enfant et les qualités particulières qui sont les siennes. Je te propose d’en faire ton apprenti. Enseigne lui l’art et le sens des signes, ainsi il pourra s’occuper du courrier des familles à leurs disparus et tu seras ainsi entièrement disponible pour le délicat travail de transcription des formules de protection de nos demeures. Bien évidemment, tu seras largement rétribué pour cet restauration, à la hauteur des talents qui sont les tiens.

    Uddiivin tentait de dissimuler son contentement.

    Non seulement il allait être débarrassé pour un temps d'une tâche qu’il jugeait indigne de lui et dont l’utilité lui semblait de plus en plus vaine, mais il allait aussi s’enrichir … et surtout, l’écrivain public aurait pendant le jour un enfant en sa demeure. Ce qui signifiait que, grâce à cette présence, il aurait à nouveau de l’eau dans ses cruches et dans ses vasques. Il ne serait plus obligé d’aller faire ses ablutions ou boire à la fontaine.

    Le Mat avait appris à lire et à écrire en moins d’une lune. Passé ce temps des premiers enseignements – Uddiivin assurait qu’il avait encore beaucoup à apprendre auprès de lui, mais ne lui adressait plus guère la parole – l’enfant s’était mis au courrier des morts.

    Il faut croire qu’il y mettait plus de cœur et de soin qu’Uddiivin car les amarres du village cessèrent bientôt d’osciller.

    Au « champ des disparus » les Hûles prirent même goût à réciter à haute voix les textes que Le Mat rédigeait pour ceux des leurs qui y reposaient.

    Tu es la pluie qui a nourri mes racines – L’eau de mes pensées est passée par ta bouche – De cela je te louerai tant que la vie coulera en moi – Sans jamais me lasser.


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