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    Le village des Hules s’était posé dans un petit coin de montagne qui était comme une crique. Excepté qu’à la place de la mer, il y avait de légères pentes mi-boisées mi-rocailleuses et que la crique elle-même était constituée de montagnes où les pâtures de la belle saison alternaient avec des saillants le plus souvent à nu.

    Tamel aima de suite cet espace à la fois clos et ouvert sur de multiples horizons.

    Tandis que la plupart des villageois s’empressaient d’aller découvrir cette nouvelle contrée, il resta, assis devant la porte de la demeure de sa mère à déchiffrer l’infinité des nuances d’un contour dessiné par la rencontre du ciel et de la roche.


    Alors qu’il redessinait ainsi depuis plusieurs heures les profondeurs lointaines qui protégeaient le groupe de maisons, Tamel ressentit, plus qu’il ne l’entendit, un bruit violent qui se mit en une fraction de seconde à emplir tout le ciel. Le fracas était si assourdissant qu’il ne permettait pas de découvrir la direction de ce qui en était la source.

    Après quelques secondes, l’enfant vit une ligne blanche partager peu à peu la calotte bleue au-dessus de sa tête. Ouvrant cette déchirure, un minuscule point étincelant dans le soleil et qui ressemblait à un petit insecte obstiné et sans nuance.

    Une demi-minute plus tard, l’insecte avait laissé derrière lui une trace géométrique, elle aussi sans nuance ... Dans un premier temps, car peu à peu, cette ligne précise, droite, tremblait, s’étalait en certains endroits, s’effilochait en d’autres pour finir par se dissoudre tout à fait.


    Lorsqu’elle revint de sa promenade à la découverte des nouveaux alentours, la mère de Tamel trouva son fils tel qu’il était à l’instant de son départ. A peine le regard était-il un peu plus lointain et les mains plus pâles. Devant lui, un petit groupe de nuage gardait sur ses flancs le souvenir du soleil qui venait de disparaître.


    Ce jour là, l’enfant en oublia le boire, le manger et le dormir. Mais rien ne lui manqua.

    Pendant ses heures d’immobilité il fut alors rocaille, hêtraie, prairies, nuages et raies de lumières, puis présence noire piquetée de lueurs traversées des cris nocturnes d’animaux libérés d’une partie de leurs peurs – celle qui leur venait de l’homme. Ce jour là, Tamel se nourrit de l’air de la montagne, du peu de rosée qui se déposa en fin de journée sur ses lèvres et surtout de la présence pleine et rayonnante de tous ceux qui, sans chercher à comprendre la cause de cette intrusion, cachés dans les fourrés, derrière un rocher, en leur terrier ou par les feuilles d’un branchage bas, épièrent, tant qu’il y eut des ombres, d’étranges créatures venues du ciel avec leurs maisons.


    Après que le premier rayon de soleil ait coloré le haut d’une montagne, dont il apprit plus tard qu’elle se nommait Chamouse, Tamel alla s’étendre dans la maison de sa mère, sur la couche où, son frère et lui se relayait en permanence lors des déplacements aériens du village.

    A présent que les Hules avaient gagné un nouveau port tous deux pouvaient vaquer plus librement au grès de leur fantaisie.

    Lorsqu’il s’affala sur l’épaisse couverture de laine, le jumeau de Tamel était parti en vadrouille depuis longtemps. Flottait pourtant encore dans l’air de la pièce l’odeur de son bâton, de son baluchon et de ce chien à l’humeur changeante qui le suivait toujours à un pas.

    Etourdi par ces senteurs, Tamel sombra immédiatement dans un sommeil de lune noire.

     

     

     


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